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Transformation Digitale des Radios

Ce que les radios peuvent apprendre des télévisions européennes face aux géants du streaming

By novembre 4, 2025No Comments

Il n’y a pas si longtemps, les chaînes de télévision européennes semblaient indétrônables. Elles occupaient les salons, régnaient sur les prime times et concentraient toute l’attention des annonceurs. Puis, Netflix, YouTube et Disney+ ont rebattu les cartes. En quelques années, les usages ont basculé : la consommation est devenue à la demande, personnalisée, mobile et surtout mondialisée.

Aujourd’hui, ce qui s’est passé dans la télé est en train d’arriver dans la radio. Les jeunes auditeurs passent plus de temps sur Spotify, YouTube Music ou les podcasts qu’en FM. Les jeunes générations ne “tombent” plus sur une station ; elles choisissent un flux, un format, un créateur. Et comme les télés avant elles, les radios doivent se réinventer. Un rapport du Boston Consulting Group (BCG) de septembre 2025 sur la manière dont les diffuseurs européens peuvent rivaliser avec les géants du streaming contient des enseignements précieux pour la radio. Voici ce que vous pouvez en retenir.

1. Valoriser votre ancrage local

Les plateformes mondiales excellent dans la technologie, la recommandation et la personnalisation. Mais elles sont souvent détachées du réel, de la vie quotidienne, de la culture et des émotions locales.

C’est là que les diffuseurs européens – et en particulier les radios – ont un avantage décisif. Elles savent parler le langage du public. Elles connaissent les villes, les accents, les habitudes, les silences aussi.

La proximité, c’est leur superpouvoir.

Créez des contenus qui résonnent vraiment localement : accents familiers donc, mais aussi chroniques de proximité, partenariats culturels ou événementiels. Donnez à entendre ce que les plateformes mondiales ne peuvent pas copier : la personnalité d’un territoire, la chaleur d’un accent, l’énergie d’une région.

Et surtout, utilisez votre crédibilité et votre rôle communautaire comme différenciateur face aux plateformes impersonnelles. Là où Spotify ou YouTube ne proposent que des flux, vous offrez une relation. Une voix. Une confiance.

En bref : le local n’est pas un repli, c’est un levier stratégique. C’est votre différence. Et dans un monde d’algorithmes, la différence est ce qui crée la fidélité.

2. Gagner en échelle via partenariats et fusion-acquisition

Une radio seule, même performante, ne peut pas lutter contre des acteurs mondiaux qui investissent des milliards dans la technologie, les données et le marketing. S’allier, mutualiser, fusionner : voilà désormais des leviers stratégiques, et non des menaces.

C’est d’ailleurs ce que montre déjà le secteur télévisuel. Les diffuseurs européens se regroupent pour faire face à la domination des géants du streaming :

  • Le projet TF1–M6 en France, même s’il a été bloqué, allait dans ce sens ; la vente de RTL Nederland à DPG Media a elle été autorisée.
  • En Allemagne, RTL Group a annoncé le rachat de Sky Deutschland, une opération emblématique de cette dynamique : elle montre comment les groupes européens cherchent à consolider leurs positions nationales pour rivaliser avec les géants mondiaux, mutualiser la technologie et renforcer leur offre locale.
  • Le récent rachat de ProSiebenSat.1 par MediaForEurope vise également à bâtir une échelle européenne ;

Ces mouvements traduisent une évidence : la consolidation n’est plus une menace, c’est une stratégie de survie. Pour la radio, le même raisonnement s’imposera tôt ou tard :

  • Au niveau national, pour réduire la fragmentation et mieux peser dans la distribution numérique ;
  • Au niveau européen, pour mutualiser les investissements technologiques et parler d’une seule voix auprès des régulateurs et annonceurs.

La consolidation n’est pas une perte d’indépendance : c’est une stratégie de survie pour défendre collectivement l’avenir de l’audio européen. Cela ne veut pas dire perdre son indépendance. Cela veut dire gagner du poids collectif, aussi bien en termes de relation avec les annonceurs qu’en termes de capacité d’investissement.

Parce que le risque, sinon, c’est de se retrouver trop petit pour être vu… et entendu.

3. Être là où sont vos auditeurs

Les auditeurs ne sont plus “devant la radio”. Ils sont sur leur smartphone, leurs écouteurs dans les oreilles, ou leur téléphone connecté au système audio de leur voiture, et ils sont sur Spotify, YouTube ou TikTok. Si votre contenu n’est pas là, il n’existe tout simplement pas.

La leçon tirée de la télé est simple : les diffuseurs qui ont accepté de distribuer leurs contenus au-delà de leurs propres plateformes – sur YouTube, TikTok, ou même Twitch – ont vu leurs audiences se régénérer.

Vous pouvez vous inspirer de ces stratégies et par exemple:

  • Distribuer vos émissions, podcasts et extraits sur toutes les plateformes pertinentes.
  • Penser “mobile first” : simplifiez l’accès, raccourcissez les formats, multipliez les points de contact.
  • Utiliser les réseaux sociaux comme canal d’acquisition d’audience, pas seulement de promotion.

Et surtout, pensez le parcours d’audience dans l’autre sens : du social vers votre propre application. Une capsule vidéo sur Instagram peut devenir une porte d’entrée vers votre flux en direct.

Les plateformes ne sont pas vos ennemies, ce sont vos canaux de découverte.

4. Diversifier vos revenus

Les télévisions européennes ont mis du temps à s’y résoudre : le modèle “publicité + redevance” ne suffit plus. Les radios se rapprochent d’une situation similaire.

Publicité locale, sponsoring, régie… tout cela reste essentiel, mais ne suffira pas à financer l’avenir. Il faut penser plus large et innover avec par exemple:

  • Des formules d’abonnement sans publicité,
  • Des contenus premium (podcasts exclusifs, live sessions, accès anticipé),
  • Du e-commerce autour de la marque,
  • Des expériences IRL : événements, clubs, communautés.

Diversifier les revenus, ce n’est pas “faire autre chose” : c’est protéger son indépendance éditoriale et assurer la durabilité économique du média.

La radio doit repenser son modèle économique avec créativité et innover, sans attendre que la publicité traditionnelle s’érode davantage.

5. Utiliser l’IA pour personnaliser et automatiser

La révolution de l’IA touche aussi l’audio. Et elle offre des opportunités incroyables – si l’on sait l’utiliser intelligemment. L’intelligence artificielle ouvre en effet d’immenses opportunités pour l’audio.

  • Personnalisation : recommandations d’émissions ou playlists selon les goûts de chaque auditeur.
  • Automatisation : génération de teasers, transcriptions, extraits vidéo.
  • Analyse : compréhension fine de la performance des contenus et de l’attention des auditeurs.

Mais elle impose aussi des garde-fous : transparence, vérification des sources et maintien de la confiance éditoriale.

L’IA ne remplacera jamais la relation humaine qui fait la force de la radio. La valeur des radios, c’est l’émotion, la confiance, la présence. L’IA doit être un amplificateur, pas un substitut.

Les télés le vivent déjà : certaines chaînes automatisent le montage ou la localisation, mais gardent la main sur l’éditorial et le ton. Les radios peuvent adopter la même approche : l’IA au service de la créativité, pas à la place de la créativité.

6. Travailler le cadre réglementaire

C’est un point qui demande un travail collectif. Les règles qui encadraient la télévision comme la radio linéaire ont été conçues pour un autre monde, un autre temps. Les diffuseurs télé réclament déjà une modernisation du cadre européen et la radio doit s’y préparer aussi.

Elles doivent en effet faire entendre leurs voix sur des sujets comme

  • La visibilité des stations dans les environnements connectés (tableaux de bord, enceintes, apps audio),
  • Une équité publicitaire face aux plateformes mondiales (message d’information sur les publicités sur les voitures, l’alimentation, l’alcool, etc.).
  • Et la reconnaissance du rôle de la radio comme acteur de cohésion culturelle et sociale.

Attention cependant à ne pas se battre pour conserver le statu quo – ce serait suicidaire – mais pour bien définir les règles du jeu d’un environnement numérique et à la demande.

Conclusion

Ce qui s’est passé dans la télévision se produira dans la radio, peut-être plus vite encore.
Les signaux sont les mêmes : fragmentation des audiences, explosion du streaming, baisse des revenus linéaires, montée des usages mobiles.

Mais l’histoire montre aussi une chose : ceux qui bougent tôt s’en sortent. Les chaînes qui ont investi dans le streaming avant les autres ont préservé leur place dans le paysage. Les autres peinent à exister dans un monde dominé par Netflix et YouTube.

Pour la radio, le moment est venu d’écrire son propre plan de bataille. Valoriser le local, consolider, distribuer partout, innover dans les revenus, tirer parti de l’IA et influencer le cadre réglementaire,  ce sont les six clés pour transformer la menace en opportunité.

Comme le dit le rapport du BCG :

“Les diffuseurs prêts à agir de manière décisive peuvent transformer la disruption en avantage compétitif.”

La question n’est plus si la radio doit se transformer, mais à quelle vitesse elle le fera.

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